Raid et marches
Prononcez à voix basse, au creux de
l'oreille d'un EOR, ce simple mot : raid... Vous verrez alors
passer sur son visage des grimaces, des sourires, des rictus,
exprimant aussi bien la crainte, que la fierté, que la
souffrance, que l'excitation, ou que le plaisir. Pourquoi une
telle réaction ? Le raid est l'ultime épreuve, le couronnement
de 150 jours de marches, de courses, de parcours d'obstacles ou
de cross. Sur 3 jours et environ 80 km, des groupes d'EOR doivent
traverser des territoires infestés de commandos ennemis
parachuté à 15 km dans la direction de mon bras.
Mais il est impossible de disserter sur le raid sans parler des
marches de préparation.
Qu'elles soient annoncées ou "surprises", les marches
de préparation comportent de nombreux points communs entre
elles.
La phase de préparation :
Outre la composition classique (et "obligatoire") d'un sac, chacun apporte sa touche personnelle. Ainsi, pour suppléer aux délicieuses rations qu'il peut y avoir si l'on passe la journée sur le terrain, un ravitaillement adapté est nécessaire (du vrai pâté, du pain, du saucisson, du vin, des crèmes-dessert, des confiseries etc.) De même, il est utile de se munir d'une lampe de poche (pour remplacer les TL défectueuses), d'une boussole (pour les raccourcis), d'argent liquide (pour les pauses-bistrot, ou pour les hypothétiques taxis...!)
La phase de départ :
Après avoir poussé les TRM embourbés sur le bas-côté, nous sommes lâchés dans la nature par groupe de 7 à 10 personnes, sans carte (ou comme si...), avec une radio, 2 lampes et des brassards réfléchissants. Direction dans la nuit : le premier signe de présence humaine.
La marche en elle-même (qui suit parfois la loi de Murphy pour ceux qui connaissent) :
- la première habitation est toujours une ferme ou la villa
d'un paysan.
- il y a toujours au moins un chien de garde aboyeur (et allez
savoir, dans la nuit, s'il est attaché ou non !)
- le paysan, toujours accueillant et aimable, est
"authentique" : ses explications sur le chemin à
prendre pour rejindre la case départ se traduisent ainsi
(traduire est le terme exact en raison de l'accent et du patois)
:
"Montargis ? Vous n'êtes pas rendu ! (merci, on sait qu'on va souffrir longtemps !). Bon, prenez la route derrière le hangar et tournez à droite au bout du champ. Après, prenez la direction de Beaumont en Gâtinais, tournez à droite à la sortie de Gâtinais la Franche. Après vous verrez la ferme de la Gâtinaise et c'est tout droit. Vous pouvez aussi prendre le chemin de Landon en Gâtinais et tourner à gauche après l'arbre (NB : entre Beauce et Gâtinais, il y a un arbre tous les 10 km) en direction de Gâtinais le Vieux. Il y a un troisième chemin..."
C'est en général à ce moment là que nous remercions en
choeur. Bien sûr, nous avons pris soin de noter le nom de tous
les villages (même si "villages" est un bien grand
mot...)
- la progression théorique en colonne sur le côté gauche de la
route est particulièrement bien respectée... quand un véhicule
arrive. En effet, le seul avantage de la nuit, c'est de permettre
de voir les voitures arriver de loin.
- les contrôles radio sont parfois laborieux malgré le relief
d'une morne platitude et un groupe sert parfois de relais pour
mettre en relation Papa Tango et Roméo Juliet.
- le chemin le plus court est toujours le plus boueux ou
carrément inondé.
- la distance indiquée par les panneaux (ou les cadres...) est
toujours sous-estimée.
L'arrivée :
Rien de plus significatif que les réactions à chaud :
- "J'ai une grosse ampoule sous chaque pied et les épaules
démontées, mais j'ai de la chance : ma tendinite au genou est
moins douloureuse que celle du talon."
- "J'ai perdu mon brassard : compte-rendu !"
- "Cela aurait pu être pire : la pluie s'est arrêtée au
bout de 2 heures et on ne s'est perdu qu'une fois."
Et puis la grande classique :
- "Cela fait tellement de bien quand on s'arrête qu'on
devrait faire des marches plus souvent."
Voilà donc un aperçu du déroulement de nos marches. Ne parlons pas des lendemains (même si, pour être précis, l'arrivée est souvent le lendemain du départ) et de ses consultants, de ses parcours d'obstacles amorphes et de ses cours suivis avec une rare apathie.
Mais, quoi qu'on en dise, avant, pendant, après, l'intérêt de telles épreuves est indéniable. La cohésion, la volonté, l'entraide, le dépassement de soi, ne sont que des exemples des valeurs, des vertus qui se trouvent renforcées par les marches. Ce n'est pas illusoire de dire cela, c'est tout simplement une constatation.
EOR L. GAUD.